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HPI : s’épanouir à travers l’orientation. Comment accompagner la spécificité de votre enfant dans ses choix ?

Multipotentialité, perfectionnisme, sensibilité émotionnelle, vitesse de réflexion, sentiment de décalage… autant de traits de personnalité qu’on retrouve fréquemment chez les élèves à Haut Potentiel (dits HPI) et qui rendent leur parcours d’études, leur orientation puis leur intégration dans le monde du travail, délicats, voire difficiles. 

Voici plusieurs clés d’Armelle Riou, fondatrice de la méthode Mental’O, pour accompagner l’orientation scolaire et professionnelle de ces ados “pas tout à fait comme les autres”…

M’ : Qu’est-ce qui caractérise un adolescent HPI selon votre expérience ?

Depuis plus de 10 ans que j’ai fondé la méthode Mental’O, j’ai eu souvent l’occasion d’accompagner ces zèbres ou enfants intellectuellement précoces (EIP), parfois repérés en amont par des tests de QI, parfois non. 

Rappelons qu’un diagnostic HPI doit être posé par un (neuro)psychologue qui s’appuiera, en partie, sur un test de QI, la fameuse échelle de Wechsler. Ainsi, 2,3 % de la population sont considérés comme surdoués ou HPI avec un QI supérieur à 130 sur cette échelle. 

Personnellement, je n’aime pas les étiquettes qui ont tendance à mettre tout le monde dans le même panier. Il y a plusieurs types de Hauts Potentiels, et tous ne sont pas repérés de la même manière. De plus, certains tireront leur épingle du jeu en étant premiers de la classe, tandis que d’autres seront en échec parce que les consignes scolaires ne sont pas assez précises pour eux, par ennui ou par rébellion. 

S’ajoutent ensuite les “difficultés de l’adolescence” : la difficulté de trouver sa place, la défiance sociétale parfois… Tout cela souvent, sur un fond d’hypersensibilité ! Il y a de quoi être perdu, non ?

Enfin, il y a la pression, souvent bien involontaire, des parents : certains attendent que leur enfant brillant rejoigne les bancs d’écoles renommées, tandis que d’autres ne savent plus que faire et paniquent sur la manière de les accompagner vers un avenir qui leur convienne…  Sans parler de la pression du système scolaire de plus en plus normatif.

Bref, l’orientation en elle-même peut déjà être compliquée, mais la dimension Haut Potentiel ou Précocité et les spécificités qui vont avec complexifient l’équation. 

M’ : Quels sont les différents profils d’EIP dont vous parlez ?

Différents types d’intelligence

  • Dans notre système scolaire, on distingue assez facilement les “matheux” qui vont résoudre des divisions quand d’autres apprennent à compter, ou exploser papa aux échecs alors qu’ils n’ont pas encore 6 ans. Ce type d’intelligence nécessite de développer ses propres méthodes et a une logique inductive (d’ailleurs bien évaluée dans les tests de QI).
  • On trouve aussi les “littéraires” avec une véritable appétence pour la lecture et une grande précision linguistique. Ceux-là peuvent être repérés, mais leurs capacités sont plus difficiles à détecter ou cette détection se fait souvent plus tardivement.
  • Enfin, les profils “artistiques” sont moins souvent voire pas du tout repérés, et cela pour plusieurs raisons : parce que ces talents ne sont pas valorisés à l’école, parce que les parents ne les perçoivent pas forcément ou ne voient pas l’intérêt de les cultiver. Parmi eux, les profils plus techniques, qui pratiquent le système D, très habiles de leurs mains et capables de construire toutes sortes de mécanismes. S’ils ne sont pas clairement matheux, on peut passer à côté… Quel dommage !

Dans l’ensemble, les HPI ont des centres d’intérêt variés et un besoin très fort de comprendre le monde qui les entoure. 

Ils sont souvent exigeants quant à la précision et peuvent reprendre – à raison – la maîtresse / le maître sur la justesse du vocabulaire… au risque, parfois, de paraître impertinents alors qu’ils cherchent à être exacts.

Et différents types de comportements

Connaître le type d’intelligence ou avoir un QI supérieur à 130 ne préjuge en rien du tempérament de l’enfant ou de sa réussite à l’école. 

  • On pourra trouver certains profils plutôt “scolaires”. Certains seront premiers de la classe sans lever le petit doigt. Ils pourront enchaîner les étapes avec facilité, mais se réveiller parfois un peu tardivement en ayant l’impression d’avoir suivi une voie qui ne leur convient pas. Des bombes à retardement en puissance, ce qui ne veut pas dire que tous les bons en classe vont tout envoyer dans le décor.
  • D’autres, souvent les filles, auront tendance à s’effacer, à se mettre au fond de la classe et à se laisser oublier.
  • Côté garçons, on peut aussi trouver des profils moins dociles, plus enclins à l’affrontement et pouvant aller, dans les cas extrêmes, jusqu’à la délinquance.
  • Certains, enfin, pourront avoir besoin de développer la compétition, de faire face à des défis pour donner le meilleur d’eux-mêmes.

Il ne s’agit pas là de dresser un tableau alarmiste, mais surtout de pointer qu’il n’y a pas de lien entre précocité intellectuelle et réussite scolaire. Même si le rôle de parents n’est pas toujours facile, leur accompagnement est important dans le développement de la personnalité de l’enfant, et plus tard, son orientation.

M’ : Comment aider son enfant HPI à s’orienter ? 

Ouvrir le champ des possibles

La première chose à faire à mon avis est d’ouvrir leur horizon : leur faire rencontrer des adultes de milieux variés qui peuvent leur parler de leur travail, les aider à découvrir de multiples possibilités (apprentissages, sports, arts, etc.). Il est nécessaire pour cela de les écouter, de les observer et de leur faire confiance. 

Pointer les réussites

La deuxième chose, comme pour beaucoup d’enfants, mais c’est encore plus marqué pour les enfants zèbres, c’est de pratiquer le renforcement positif : saluer telle capacité en sport, pointer la qualité d’une relation ou d’un lien, souligner les résultats ou les progrès dans telle ou telle matière, féliciter un comportement spécifique, un engagement, un acte de bienveillance…

Les laisser expérimenter

La troisième chose, et non des moindres, c’est de leur “foutre la paix et de leur faire confiance”. C’est un peu cru, mais il est nécessaire qu’ils puissent se confronter à la réalité et laisser “leur génie s’exprimer”. Je remarque que beaucoup de parents connaissent leur enfant, sentent leurs potentiels mais s’enferment dans leurs propres craintes de l’avenir, ce qui concourt à rendre le jeune plus anxieux. Si on a pleinement confiance en leur capacité, laissons-les faire les choix qui les nourrissent. Le temps d’un métier pour la vie est révolu, ils auront le temps – et toutes les capacités – pour trouver leur prochaine voie, si tant est qu’ils aient compris comment ils fonctionnent.
J’ai vu des enfants faire exprès d’échouer au test de QI pour que leurs parents leur « lâchent la grappe » et les laissent faire le métier qu’ils avaient choisi, dans l’artisanat !
Et j’ai trop souvent aidé des enfants à se réorienter en études supérieures parce qu’ils se retrouvaient dans des voies qui ne leur correspondaient pas. Les choix avaient été faits par rapport au niveau de la formation – c’est-à-dire qu’on les avait incités à aller dans une filière très élitiste –  et non par rapport au profil personnel du jeune.

Amener de la nuance

J’ai souvent pu constater que les HPI, aussi brillants soient-ils, avaient une tendance à être un peu manichéens. Quand ils sont en confiance, ils peuvent prendre certaines remarques comme des vérités. C’est important d’amener de la nuance et de leur permettre de démonter ou au moins questionner ces pseudo-vérités.

Attention à l’épanouissement forcené

Même si c’est extrêmement difficile en tant que parents et que c’est également vrai pour tout autre adolescent, il est important de limiter “l’injonction au bonheur” en leur faisant ressentir tous les sacrifices et espoirs qu’on place en lui. Pour l’enfant, cela peut se traduire par “tout le monde fait tout ce qu’il peut pour moi et je suis toujours perdu et mal dans ma peau, je dois vraiment être une affreuse personne.” Cette pression au bonheur, très à la mode aujourd’hui, peut s’avérer contre-productive.

M’ : Quels tests d’orientation pour un enfant HPI alors ?

On en a parlé, côté diagnostic, c’est le test de QI de Wechsler qui fait foi. 

Dans les bilans et tests d’orientation Mental’O, il y a aussi des signes qui permettent de distinguer les enfants HPI ou EIP, mais surtout de leur donner les clés pour qu’ils se comprennent eux-mêmes et fassent des choix éclairés.

  • un intérêt intrapersonnel supérieur à l’interpersonnel (ils se connaissent bien, ont une – trop – forte capacité d’introspection mais ont du mal à être en lien avec les autres et à s’intégrer dans des groupes)
  • un sens de la justice et du bien commun exacerbé, ce qui les rend particulièrement sensibles à la différence et les pousse à être proches des personnes différentes (handicap, minorité…). Cela leur donne souvent une motivation et un engagement sociétal important avec cet idéal de sauver le monde.
  • Dans le test  RIASEC, on retrouve les deux opposés : soit un profil d’investigateur, qui aime les raisonnements complexes, les analyses poussées qui vont mobiliser son intellect, soit un profil qui ne veut pas réfléchir, car il a assimilé dans son expérience que réfléchir ne lui apportait que des problèmes. Cela me rappelle un jeune garçon qui avait décrété qu’il serait éboueur, il avait d’ailleurs dit “poubelliste’ – sans doute par provocation. Après un accompagnement et quelques tergiversations, il fait une brillante carrière de trader à Londres. 

C’est très touchant de voir ces adolescents en défiance, car ils ont du mal à faire confiance à tous les tests auxquels ils ont déjà été soumis. Mais passé ce cap, ils arrivent à comprendre les points communs qui relient les différents projets qu’ils peuvent avoir. Ils comprennent leurs centres d’intérêt, leur style relationnel, le cadre dont ils ont besoin pour s’épanouir. La complémentarité des tests Mental’O et des entretiens individuels approfondis avec un adulte bienveillant est souvent magique pour ces jeunes.

M’: Pourquoi faire un bilan d’orientation pour un adolescent à haut potentiel ?

Comme pour tout ado, mais c’est encore plus touchant, le bilan d’orientation apporte de nombreux avantages décisifs.

Bien se connaître

Trouver un outil qui confirme ce qu’ils pressentaient est franchement très rassurant. Cela apporte une sécurité et une véritable compréhension d’eux-mêmes et de leur fonctionnement, tout en montrant parfois quelques nuances appréciables.

Mettre en lumière les appétences

Les HPI aiment beaucoup de choses. Ce sont souvent des zappeurs, des “slashers” comme on dit maintenant. Ils ont tant de centres d’intérêt qu’ils finissent par s’y perdre. Les tests viennent leur expliquer la logique derrière leurs différentes passions, et parfois ouvrir certaines portes qui n’avaient pas été poussées.

Dépasser l’angoisse du choix

Choisir, c’est renoncer dit-on. Donc quelle angoisse de devoir faire une croix sur autant de centres d’intérêt, sur tout ce champ des possibles ! Il est extrêmement important de leur dire qu’il s’agit d’un choix temporaire, que c’est pour un temps donné et que rien ne les empêchera de développer d’autres compétences au niveau professionnel ou personnel par la suite. Il n’y a pas qu’un seul modèle de vie réussie !

M’: Réussite, orientation et HPI : que faut-il en dire ?

Pour moi, il est important de distinguer haut potentiel et réussite “sociale”. Tout dépend de la définition de la réussite bien sûr. J’ai rencontré beaucoup de parents qui mettaient, sans le vouloir, une pression extrêmement forte pour que leur enfant réussisse à l’école, fasse une classe prépa, une école d’ingénieur ou de commerce, etc. Ils en ont peut-être les capacités cognitives, mais pas forcément la combativité, ou l’appétence et cela peut être extrêmement douloureux. Mon conseil est de ne pas choisir une voie parce qu’elle est élitiste mais parce qu’elle est véritablement en adéquation avec la singularité de l’individu.

M’ : Quelques exemples d’orientation d’adolescents intellectuellement précoces ?

Voici quelques orientations que j’ai pu mener pendant ces dernières années. C’est toujours passionnant d’aider une personne à trouver la voie qui lui permette de s’épanouir. Mais ce qui m’intéresse plus encore, ce sont tous les enfants que les bilans d’orientation peuvent aider à se rencontrer (Trouvez ici le conseiller d’orientation Mental’O le plus proche de chez vous).

Les exemples ci-après se passent souvent après les grands moments d’orientation ce qui rend douloureux certains passages, et je regrette que le bilan d’orientation n’ait pas été réalisé en amont pour éviter ces souffrances. Ils confirment aussi que l’environnement familial est aussi déterminant que les capacités scolaires.

  • Céline était une élève brillante. Bac avec mention TB et félicitations du jury. Poussée à l’excellence, elle s’inscrit dans une classe préparatoire et arrête 2 semaines seulement après la rentrée. Le bilan confirmera que ces études n’étaient pas en adéquation avec ses valeurs, et que cette jeune fille n’avait pas l’esprit de compétition nécessaire pour envisager des concours. Elle mettra en avant une appétence pour la gestion et suivra des études dans cette branche, à la grande déception de ses parents. Elle est aujourd’hui consultante à l’international en comptabilité / gestion / finances, pour la plus grande satisfaction de ses parents 😉 
  • Manon décroche son bac haut la main et intègre Science Po. Échec, épisode anorexique. Elle ne supporte pas de devenir “médiocre” c’est-à-dire de se situer dans le dernier tiers de la promo et s’oriente finalement vers l’enseignement, milieu qui la rassure et la valorise.
  • Thomas commence une prépa médecine pour laquelle tout le monde le donne vainqueur. Quelques semaines après la rentrée, il s’effondre. Les entretiens permettront de faire ressortir qu’il ne supportait pas l’idée de concurrencer son frère, lui aussi brillant. Cette prise de conscience associée aux tests lui permettront de s’orienter vers l’ingénierie via un BUT Génie mécanique et Productive.
  • Quentin est un élève moyen en première. Il provoque, défie et veut arrêter ses études. Il est à la fois précoce et malheureux. En défiance vis-à-vis du questionnaire (“je n’y crois pas”), je comprends vite qu’il a besoin de se sentir challengé. C’est donc sur un mode de défi propre à booster son égo qu’il part à l’assaut d’une prépa ingénieur qu’il réussira brillamment. Rien à voir, donc, avec l’arrêt de ses études en classe de première…
  • Les parents d’Alexis ne savent plus quoi faire lorsqu’ils viennent me voir. Il redouble sa seconde, la deuxième est pire. Alexis est en complet décrochage scolaire, passe sa journée sur les jeux vidéo dans des mondes virtuels. Son ambition : être éboueur. “Mieux vaut faire croire qu’il est bête plutôt que flemmard”. Hypersensible et instinctif, il s’est réfugié dans un monde solitaire où il est reconnu comme compétent. Poussé et soutenu, il entame un Bachelor où il développe tout seul des compétences de trader. Il travaille aujourd’hui à la City de Londres.
  • Pour finir, la maman d’Hugo m’amène son fils, elle-même un peu désespérée. Hugo a obtenu 89 au test de QI et veut faire Pâtissier. Son bilan Mental’O me présente un tout autre aspect et Hugo m’avoue à demi-mot avoir “fait exprès” de rater son test pour “avoir la paix”. Sa mère ne considère malheureusement pas ce métier à la hauteur des capacités de son fils. Le bilan confirmera ses aptitudes pour les métiers manuels et il finira par s’épanouir dans son parcours puis dans sa profession.

M’ : Orientation des HPI : 4 clés pour une conclusion

Pour moi, la clé de la réussite de l’orientation est de respecter profondément l’individu que nous avons face à nous. Il n’est jamais trop tard pour bien s’orienter. 

  1. Rassurons-le sur le fait que ce qu’il sent est souvent vrai
  2. Laissons-lui la liberté d’apprendre comme il le souhaite, quelle que soit la manière, car un enfant ou un adolescent HPI a parfois du mal à se couler dans le moule du système scolaire.
  3. Offrons-lui l’autorité nécessaire pour le rassurer. Le manque de cadre est souvent très anxiogène. Certains ont besoin de toucher les limites pour se sentir en sécurité.
  4. Acceptons qu’un choix d’orientation ne soit peut-être qu’une étape et qu’il/elle puisse avoir besoin de changer de route.